Madame, Monsieur,

En tant que gestionnaire du blog Madagascar Découverte, Prince du Boina par un fatidra (frère de sang) avec le Mpanjaka Guy Herimisy, et ami proche de la famille Kamamy, descendants directs du roi Toera, je tiens à exercer mon droit de réponse à l’article publié le 21 mars 2025 intitulé "À Madagascar, la restitution par la France du crâne d’un roi décapité provoque une crise dynastique".

Depuis plus de dix ans, j’accompagne la famille Kamamy dans leurs démarches pour la restitution des crânes du roi Toera et de deux de ses guerriers, conservés au Musée de l’Homme à Paris. Ces démarches ont été initiées par le défunt roi Magloire Kamamy et poursuivies avec détermination par ses neveux, Piero Kamamy, et Joe KAMAMY en collaboration avec les autorités malgaches et françaises.

Une restitution issue d’un long combat

L’article présente Joe Kamamy comme étant à l’origine des démarches pour retrouver le crâne de l’Ampanjaka Toera. Or, si son implication a été significative, il est essentiel de rappeler que ce combat a été initié bien avant par Magloire Kamamy. Joe Kamamy a apporté une contribution précieuse, tout comme son oncle Piero Kamamy, qui s'est également fortement impliqué dans toutes les étapes du processus, mais il est erroné de minimiser l’engagement de ceux qui ont œuvré dès le début pour cette restitution.

Dans votre article, vous écrivez :

"Qui alors a osé passer outre la sagesse des anciens ? À cette question, les yeux se tournent vers Joe Kamamy, arrière-arrière-petit-fils de Toera. L’homme d’une quarantaine d’années, dont la profession d’ingénieur aéronautique à Air Madagascar lui a permis de voyager régulièrement en France, est à l’origine du long travail d’investigation mené depuis 2008 avec l’historienne française Klara Boyer-Rossol pour remonter la piste du crâne du roi jusqu’au Musée de l’Homme et faire procéder à son authentification par des tests ADN."

Cependant, ces tests ADN n’ont pas permis d’aboutir à une confirmation scientifique, comme vous le précisez vous-même :

"Au demeurant, ceux-ci ne se sont pas révélés concluants et la certitude qu’il s’agisse bien de la tête du souverain repose aujourd’hui avant tout sur le verdict d’un rituel de possession propre à la société sakalava, au cours duquel l’esprit de Toera descendu dans le corps d’une femme aurait reconnu son bien sur le cliché des trois crânes présenté par Joe Kamamy. Mais là n’est pas, pour l’heure, l’objet de la dispute."

Ce rituel, qui a permis cette reconnaissance spirituelle, s’est déroulé à mon domicile en présence de l’esprit du Mpanjaka Desy, ancien roi du Boina.

Il est aussi important de mentionner que le gouvernement malgache a mené de nombreuses démarches dans un esprit de réconciliation entre les membres de la famille descendante du roi Toera, un conflit latent qui dure depuis plusieurs décennies. Malheureusement, malgré la bonne volonté affichée et les tentatives répétées, ces initiatives ont toutes été vaines.

Une restitution aux enjeux historiques et mondiaux

Au-delà des querelles familiales, cette restitution s’inscrit dans un cadre juridique et éthique bien plus large. La loi française n° 2023-1251 du 26 décembre 2023, consultable sur Legifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048528028. Cette loi est une avancée majeure, car elle ouvre la voie à d’autres restitutions à travers le monde.

Le Musée de l’Homme conserve environ 18 000 crânes issus d’anciennes colonies françaises et d’expéditions du XIXe siècle. Ce patrimoine humain et historique est aujourd’hui au cœur d’un débat mondial sur la reconnaissance des crimes coloniaux et la réappropriation des héritages culturels spoliés. La restitution du crâne du roi Toera n’est donc pas seulement une affaire malgache, mais un symbole et le premier pas fort vers une  justice et une mémoire.

Conclusion

La restitution des restes royaux ne doit pas être réduite à une querelle de succession. Il s’agit d’un événement historique et symbolique qui dépasse les intérêts individuels et s’inscrit dans une dynamique de reconnaissance et de réparation.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Marco Spotti
Kamamy Vazaha (comme m’appelait le défunt roi Magloire)
Prince du Boina
Ami de la famille Kamamy
Gestionnaire du blog Madagascar Découverte — Ce droit de réponse est également publié sur le blog afin d’apporter un éclairage historique et culturel au débat public.